J’ai été un footballeur professionnel


-- - 18/08/2022

J’ai été footballeur professionnel. Pendant 18 ans, j’ai pu faire de ma passion, mon métier. C’est une chance et il ne faut jamais l’oublier.

Le sport a toujours fait partie de ma vie. Je suis né le 27 septembre 1980 à Abidjan. Je suis le quatrième d’une fratrie de 6 enfants, j’ai 2 sœurs aînées, Marie-Chantal et Patricia, un grand frère, Constant, et deux petits-frères Aristide et Martial. Mon papa, Georges Kapo, est un ancien footballeur, professionnel, numéro 10 (il était très technique), international ivoirien, comme mes oncles. Mon père a surtout joué à l’Africa Sports National, un club en Côte d’Ivoire.

Son père, médecin, voulait qu’il continue les études, alors après sa carrière, mon père est devenu comptable. Ma mère, Awa Chérif, a été sextuple championne de 400 mètres de Côte d’Ivoire. Sa sœur jumelle était championne d’Afrique de 800 mètres.

Moi, c’est Olivier, je suis venu au sport vraiment naturellement. J’ai l’impression d’avoir toujours joué au foot, à côté de la maison, après l’école, etc.

Ensuite, j’ai commencé à faire des petits tournois à Abidjan et c’est là qu’on a vu que j’avais peut-être des dispositions. De là, j’ai rejoint le club d’Abidjan avant de partir en France, à l’âge de 8 ans.

Ce n’était pas vraiment pour le foot. Patricia, ma grande sœur, vivait à Paris mais c’est chez la sœur jumelle de ma mère, à Choisy-le-Roi (94) que j’ai grandi. Mes parents, restés en Côte d’Ivoire, voulaient que je grandisse le mieux possible et que je suive une bonne scolarité.

Les premiers mois ont été durs. Mes parents me manquaient terriblement. Je ne les ai pas vu pendant longtemps. Heureusement, ma grande sœur a toujours été là pour moi. C’est elle qui m’a accompagné quand j’ai signé mes premiers contrats dans le foot.

A Choisy dans le quartier, je faisais des petits matches avec mes frères. Je n’avais pas l’habitude des crampons, et parfois même je jouais avec des vissés sur la terre (sourires). C’est seulement à 13 ans que ma tante m’a inscrite en club à l’AS Choisy-le-Roi. Je jouais avec les pupilles. Claude Anelka, le frère de Nicolas, était mon éducateur.

Cette année-là (1994), j’ai envoyé des courriers, que j’écrivais moi-même, à Monaco, Bordeaux et Auxerre. J’avais écrit un truc du style : “Bonjour, je m’appelle Olivier Kapo, j’ai 13 ans, je joue à Choisy-le-Roi, j’aimerais intégrer votre centre de formation…“

Monaco, avec Arsène Wenger qui était encore là, me répond en premier. Ils me disent que leur effectif est complet, qu’il faut attendre l’année prochaine. Bordeaux ne me répond pas et Auxerre me renvoie une lettre me disant de venir pour une détection. J’étais fier. D’autant que l’AJA était réputé en Afrique, notamment grâce à Basile Boli.

Au printemps 1994, c’est ma 1ère détection à l’AJA. Je viens avec un grand cousin. Je me mets une de ces pressions. Je ne sais pas pourquoi mais j’avais l’image des Auxerrois qui couraient dans la forêt. Je n’ai pas couru dans les bois mais j’ai participé à des matches, des tests pendant 2 jours avec la centaine de jeunes venus de la France. Le lendemain, on m’appelle pour me dire que je vais recevoir un courrier bientôt. C’était une convocation au centre de formation d’Auxerre. J’étais pris.

Ils m’ont aussi demandé mon dossier scolaire pour que je puisse intégrer le sport études du lycée Joseph Fourier, à Auxerre.

Le 1er août 1994. Je m’en souviens comme si c’était hier. J’arrive à 15h à Auxerre. J’entre dans un nouveau monde, qui allait devenir ma famille. J’ai 13 ans, je m’entraîne avec les “moins de 15“. Je ne sors pas du lot. Je n’ai rien pour moi ! Je ne suis pas physique, je n’ai pas de 2ème pied, pas de vitesse… Rien. Juste ma technique. Il m’a fallu des années pour travailler le reste.

Au début, je pleurais. Je ne connaissais personne. Mais ensuite, tu te fais des copains. Jean-Joël Perrier-Doumbé, de 2 ans mon aîné, est devenu mon confident. Avec Djibril (Cissé), mon voisin de chambre pendant 3 ans, on a bien rigolé aussi.

Et j’ai eu énormément de chance de tomber sur une personne, Guy Roux. Plus les années passent, et plus je m’en rends compte. Il a veillé sur nous, les jeunes du centre de formation, il nous a donné notre chance tout en nous protégeant.

Je remercierai Guy Roux et Auxerre toute ma vie.

Guy Roux faisait attention à tout. Il faisait attention à nous. On n’avait pas le temps de s’égarer dans le bling bling, des trucs comme ça. Par exemple, si le coach nous voyait avec une voiture trop chère, s’il voyait que l’on commençait à se prendre pour un autre, il nous ramenait directement les pieds sur terre.

J’ai touché mon 1er “salaire“ à 14 ans. 800 F à l’époque. Auxerre nous les mettait sur un compte. Ma 1ère “folie“, c’est un peu plus tard, quand je m’achète une Golf 4k cabriolet grise. C’est ma toute 1ère voiture.

J’ai toujours eu des voitures grises, sauf depuis que je suis père de famille. Je roule dans une voiture noire. C’est plus sobre. Mon 1er salaire en professionnel, c’était autour de 20 000 F, soit un peu plus de 3 000 euros. A 18 ans, c’est beaucoup.

J’étais devenu un footballeur professionnel. Bien sûr ça fait plaisir mais je ne me souviens plus trop précisément de ce moment. Je ne réalisais pas je crois. Le moment qui m’a le plus marqué, quand j’étais jeune, c’est la signature de mon contrat Espoirs. J’avais 15 ou 16 ans. C’est là que j’ai compris que j’avais de vraies chances qui s’ouvraient, de devenir pro.

Nous étions une vingtaine de jeunes dans ma catégorie et seuls 3 ont signé ce contrat. C’est vraiment là où je me suis dit, pour la 1ère fois, que le football pourrait peut-être devenir mon métier (j’avais signé un contrat de 5 ans. 3+2). Ma grande sœur, Patricia, était avec moi quand j’ai signé.

Mes parents, je ne sais même pas s’ils savaient ce que cela voulait dire ce type de contrat. C’est ma grande sœur qui s’occupait de ça. Avec elle, on appelait mes parents de temps en temps à Abidjan pour leurs donner des nouvelles.

Mon 1er match en Ligue 1 remonte au 31 juillet 1999. J’avais 18 ans. C’était face à Nancy, au stade de l’Abbé Deschamps.

Le 5 décembre, je marque mon 1er but. J’étais très content. C’était à la maison et le soir je rentrais dormir au centre de formation. J’étais pressé de rentrer dans ma chambre. J’étais pressé de partager ça avec mes copains. On a rigolé, ils m’ont posé des questions. Vivre mes premiers pas professionnels alors que je dormais toujours au centre, c’est la chance que j’ai eue.

Dans la vie, il y a des tournants, des virages et pour moi mon 1er but en professionnel face à Metz en est un car juste après, on jouait à Sedan, qui était une bonne équipe, européenne. Le coach Guy Roux me met titulaire. J’étais en attaque avec Stéphane Guivarc’h devant moi. Le terrain était rempli de boue. Un peu un match piège pour un jeune.

Guy Roux m’a dit de saisir ma chance. Cela ne s’est pas trop mal passé au final. J’étais sur une bonne lancée.

La semaine d’après, on recevait le PSG. Ayant grandi à Choisy-le-Roi, c’est un match qui représentait beaucoup. On gagne 1-0. Cette victoire face à Paris m’a encore plus nourri de confiance et de joie. Je me souviens de la date, le 17 décembre 1999. Juste après, c’était les vacances. Je suis rentré à Choisy-le-Roi, avec tous mes copains, qui étaient tous supporters du PSG. Moi aussi je l’étais. Je crois que j’avais échangé mon maillot, avec Laurent Robert.

Voici à peu près comment je suis devenu un footballeur professionnel. Il y a plein d’éléments qui peuvent rentrer en jeu. Il faut saisir sa chance au bon moment. C’est sûr. Mais je sais que moi, j’ai aussi été aidé par un autre jeune du centre à l’époque, qui s’appelle Benjamin Nivet. Il a fait une belle et longue carrière. En jeunes à Auxerre, c’était le meilleur à mon poste. Le meilleur de nous tous. Je lui dis toujours ça : “Si tu avais réussi avant moi à Auxerre, j’étais mort“. Il rigole. Mais c’est la réalité. Il a mis un peu plus de temps. Il est parti à Châteauroux. Et c’est pour que ça j’ai eu ma chance.

J’ai, depuis l’arrêt de ma carrière en 2015, créé une Académie à Abidjan. Depuis mon entrée au centre de formation à Auxerre, je me disais un jour, j’aimerais faire pareil en Côte d’Ivoire. J’étais admiratif de Daniel Rolland qui a été mon éducateur, Guy Roux. Je parlais beaucoup aux coaches. Je bossais, je regardais. J’observais tous les détails. J’ai toujours gardé ça dans un coin de ma tête. D’ailleurs, l’Académie est aux couleurs d’Auxerre.

Avec le CEAF* à Abidjan (photos), je voulais donner leur chance aux jeunes. Et si possible qu’ils ne partent pas trop tôt de leur famille. L’académie compte plusieurs catégories : 9 ans, 11 ans, 13 ans, 14 ans, 15 ans, 2 groupes de 17 ans. Nous avons à peu près 150 gamins.

Parmi ces jeunes, nous avons des internationaux. Certains ont le potentiel pour évoluer en Europe. Mais, comme je leur dis tous les jours, il y a 3 choses qui sont plus importantes que tout : le travail, le respect, l’humilité.

On essaie bien sûr de sortir des jeunes mais avant tout de les accompagner, dans le foot, mais aussi dans la vie.

Avec l’Académie aujourd’hui, j’ai l’impression d’être à ma place.

*Centre d’Apprentissage du Football (Abidjan), City Sport Academy CEAF

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